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Des résultats sur le terrain pour une planète vivable

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Comment lutter efficacement et urgemment contre la crise climatique ? Cet évènement organisé par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) s’est penché sur les politiques publiques qui peuvent encourager ou, au contraire, freiner l’action pour le climat.

Animée par la journaliste Lerato Mbele, la discussion a réuni, aux côtés des dirigeants des deux institutions, la ministre marocaine de la Transition énergétique et du Développement durable Leila Benali et Mark Carney, coprésident de la Glasgow Financial Alliance for Net Zero et envoyé spécial des Nations unies pour l'action climatique et la finance. Au menu des débats, notamment, la question des 1 250 milliards de dollars de subventions publiques dans le monde qui favorisent des pratiques non durables dans l’agriculture, la pêche et les combustibles fossiles.

Soit autant de milliers de milliards de dollars qui pourraient être consacrés à l’action climatique, a relevé le président de la Banque mondiale Ajay Banga. « Il faut aborder la question des subventions. C’est un sujet qui est facilement éludé en raison de ses enjeux politiques, mais en réalité tout ce dont il est question ici est politique d'une manière ou d'une autre. » Comme l’a souligné Mark Carney, avec des politiques publiques appropriées, on peut mobiliser des investissements et faire en sorte que les pays en développement opèrent un bond en avant technologique. De fait, l’Afrique en a fait la démonstration avec la téléphonie mobile et les services financiers, et elle peut en faire autant dans l’énergie.

Pour la ministre Leila Benali, les solutions à la crise climatique doivent être tournées vers l’avenir et intégrer à la fois des solutions fondées sur la nature et des innovations technologiques. Il n’y a « pas de remède miracle », a concédé la directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, tout en soulignant que les bonnes politiques, conjuguées aux financements pour le développement et à l'élimination des obstacles à la participation du secteur privé, contribuent à la solution. « Par-dessus tout, il faut changer de posture et unir nos mains plutôt que se montrer du doigt les uns les autres. C’est un combat qui nous concerne tous. »

L'évènement a été diffusé en anglais, avec interprétation simultanée en arabe, espagnol et français. Prenez part à la discussion sur les réseaux sociaux : #WBmeetings.

[Lerato Mbele]
Bonjour et bienvenue aux assemblées annuelles 2023 du Groupe de la Banque mondiale et du FMI. Je m'appelle Lerato Mbele. Nous sommes en direct de Marrakech au Maroc. Au préalable, nous aimerions d'abord exprimer nos sympathies envers les victimes des tremblements de terre qui ont eu lieu le mois dernier au Maroc, un événement tragique. Et nous, la communauté mondiale, nous tenons solidaires du Maroc et de son peuple. [Applaudissements] Au cours des 45 prochaines minutes, nous discuterons des politiques publiques et des investissements nécessaires pour lutter contre les changements climatiques et pour créer également et surtout une planète vivable pour tous et pour toutes. Nous vous invitons à utiliser le hashtag #WBMeetings. Veuillez poser vos questions en ligne à worldbank.org ou en personne en scannant le code QR devant vous. Aujourd'hui, nous discuterons avec des chefs de file qui auront leurs propres perspectives, que ce soit celles des institutions financières internationales, des administrations nationales et du secteur privé. Sans plus tarder, je vous propose de plonger de plain-pied dans cette discussion. Je vous prie de souhaiter la bienvenue à Monsieur Mark Carney, co-Président de la Glasgow Financial Alliance for Net Zero. Nous aurons également Son Excellence Leila Benali, ministre de la Transition énergétique et du Développement durable du Royaume du Maroc, Monsieur Ajay Banga, Président de la Banque mondiale, et Madame Kristalina Georgieva, Directrice générale du Fonds monétaire international. 

[Applaudissements] Je vous remercie, messieurs-dames, de votre participation, chers distingués invités. J'aimerais commencer par vous, Monsieur Banga. Vous travaillez très fort pour définir un nouvel énoncé de vision pour la Banque mondiale : mettre fin à la pauvreté sur une planète vivable. Qu'est-ce qui façonne votre perspective ? Et comment comptez-vous piloter ce programme ? 

[Ajay Banga]
Merci de la question. C'est un plaisir que d’être parmi vous. Merci à vous tous et vous toutes de votre participation. Vous avez parlé du Maroc au départ. J'aimerais également dire que je suis tout simplement impressionné de l'organisation de cet événement avec brio, en dépit des défis qu'ils connaissent. Je ne puis les remercier suffisamment. Je le dirai à répétition chaque fois que je prendrai la parole. On les remercie et ils nous encouragent également à faire notre travail. C'est un travail d'influence mutuelle et d'encouragement mutuel. Un grand merci au Maroc. Quand j’ai commencé… Quand j'ai été élu au poste, j'ai rencontré neuf représentants de pays, quelque quinze PDG d'entreprises de gestion du patrimoine et dans différents endroits. Et à chaque fois, il est apparu cette idée selon laquelle on peut séparer la pauvreté, l'allégement de la pauvreté dans l'élargissement de la prospérité et la réduction des inégalités, qu'on peut divorcer ça ou séparer cela de la pandémie et des changements climatiques, de l'insécurité alimentaire et de la fragilité. C'est une notion qui ne tombe pas sous le sens sur le terrain ou qui fait très peu sens pour les pays touchés par ces crises. C'est pour eux un enchaînement de crises, un peu comme une tempête parfaite. Ils doivent trouver ensemble une manière de riposter à ces crises. Ils ne peuvent pas avoir une démarche en vase clos sur le marché. Ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas établir des priorités ou choisir un peu les zones d'amélioration. C'est simplement que ce sont là des crises qui ne peuvent pas être ventilées et prises en vase clos. Pourquoi définir un nouvel énoncé de vision pour la Banque mondiale ? C'est pour que la Banque mondiale puisse cadrer sa tâche à l'avenir. Pour ce faire, il faut nous pencher sur les objectifs communs et jumeaux de la réduction de la pauvreté et des inégalités. Nous voulons mettre fin à la pauvreté, mais ce, sur une planète vivable. Et qu'est-ce qu'on entend par vivable ? Lutter contre les pandémies et le changement climatique, l'insécurité alimentaire, les fragilités. Si l'on ne peut pas apporter de l'eau propre, potable à un pays, cela ne servira à rien d'éradiquer la pauvreté. Je ne serai pas en vie pour profiter de cette éradication de la pauvreté. C'est important pour mes petits-enfants. Il faut donc donner tout le sérieux que mérite cette question et ces questions étroitement liées. Autrement, c'est faire fausse route. Et c'est malheureusement la donne à laquelle nous sommes confrontés et que nous devons régler. C'est ce qui mobilise notre attention. 

[Lerato Mbele]
Les peuples citoyens de la Terre, la Terre, tout cela importe et se trouve enchâssé dans la vision de la Banque mondiale de mettre fin à la pauvreté sur une planète vivable. Que fait la Banque mondiale pour accompagner les pays dans l'atteinte de leurs objectifs climatiques ? Monsieur Banga. Un petit préambule. Je suis africaine et l'Afrique contribue à moins de 3 % des émissions mondiales. À chaque fois qu'il est question de changement climatique, l'Afrique est géologiquement la plus vulnérable et pourtant c'est l'Afrique qui semblerait avoir la responsabilité la plus élevée, la plus lourde, pour trouver une solution. Il y a des pénuries de recettes intérieures et donc les pays doivent faire des arbitrages. Est-ce qu'on poursuit nos objectifs de développement intrinsèques ou climatiques ? Il semblerait qu'il y ait des compromis à faire. Au niveau international, il faut échanger et être en lien avec les décideurs politiques, notamment. Donc, quand on discute de ce que fait la Banque mondiale, les mesures prises par le FMI pour accompagner les pays dans l'atteinte de leurs objectifs climatiques, il y a cet équilibre délicat qui doit être atteint. 

[Ajay Banga]
Oui, alors, tout d'abord, je ne pense pas qu'il faille avoir l'impression que le fardeau de solutions aux problèmes du monde repose sur les épaules de l'Afrique. Le fait est que les émissions qui réchauffent notre climat émanent d'autres pays que l'Afrique. L'Afrique ne peut pas soutenir, supporter ces responsabilités. L’Afrique doit apprendre des leçons tirées d'autres pays qui émettent beaucoup pour adapter leurs politiques. Cela est nécessaire pour régler le problème climatique. J'aimerais juste simplement dire cela par souci de clarté. Les enjeux sont pluridimensionnels et complexes. Il y a la question énergétique, bien sûr, mais 600 millions d'habitants en Afrique n'ont pas accès à de l'électricité. Il nous faut avoir les fondamentaux sur place si l'on veut s'atteler aux autres problématiques. Au-delà de l'énergie, il y a les frais très élevés du transport, des émissions. Et même si on a réussi à régler tous ces problèmes dans le monde dans les 25 prochaines années, il nous faut un système de capture et de stockage de carbone, sinon on fait fausse route. Il nous faut comprendre, en fait, que cette crise est vraiment pluridimensionnelle. Il y a ce sentiment d'urgence qui doit vraiment infuser notre démarche. Que peut faire la Banque mondiale pour l'Afrique, pour toutes ces dimensions ? Plusieurs choses. Pour certains pays, la technologie est encore nouvelle, embryonnaire. Je veux m'écarter un peu des énergies renouvelables. J’y reviendrai plus tard. C'est important, certes, très important, mais j'aimerais également mentionner quelques autres aspects qui sont ignorés. Une bonne partie de la production d’émissions provient non pas seulement de l'agriculture bovine, mais du riz également. Quand vous remplissez des champs de riz avec de l'eau et que vous laissez l'eau s'imprégner de la terre, cela crée beaucoup d'émissions. Parce qu'on m'avait dit que c'était la technique qui prévalait en Inde, mais ce n'est pas vrai. En fait, cela crée un amoncellement d'émissions qui contribue beaucoup aux émissions totales émanant du secteur agricole. Mais si vous drainez l'eau après la plantaison du riz, il y aura des moments de la culture du riz où on injecte un peu d'eau sur les terres, vous réduisez de 60 % les émissions de la culture rizière et vous augmentez aussi le rendement. Donc, qu'est-ce qui n'est pas logique dans tout cela ? Cela ne tombe pas réellement sous le sens, mais mettre cela en pratique, concrétiser cela sur le terrain des pays, c'est extrêmement difficile. Au Vietnam, en Chine et en Indonésie, la Banque mondiale a agi en ce sens et nous devons aller dans d'autres pays. Cette mesure seule, déjà, est une manière de changer la donne et elle n'a pas besoin de dépenser des milliers de milliards de dollars. Il n'est pas toujours question de milliers de milliards de dollars lorsqu'on parle de certaines mesures, quoique ce sont les mesures qui font la une des journaux, mais ce sont les mesures qui feront vraiment une différence sur le terrain pour les générations futures. Deuxièmement, ensuite je me tairai, la Banque mondiale a injecté quelque 40 milliards dans la lutte contre le changement climatique seulement l'année dernière. Pour être parfaitement clair, c'est davantage dans les pays en développement que dans tout ce qui est investi par toute autre institution onusienne, bilatérale ou autre, banque multilatérale de développement, prises ensemble, simplement pour situer le contexte. Et de ces 40 milliards, 50 % sont envoyés aux mesures d'adaptation et 50 % à l'atténuation des effets du changement climatique. Donc bien avant que j'arrive en poste, et tout ce que je vous dis d'ailleurs est arrivé avant que j'arrive en poste, ça fait plus de 30 ans que l'on voit des changements, des revirements de position de la Banque. La Banque s'est engagée à atteindre 30 % de financement pour des prêts, même 40 %, mais la Banque doit déterminer comment mobiliser de larges montants d'argent pour pouvoir injecter 50 % des fonds vers l'atténuation et 50 % vers l'adaptation. C'est très bien, mais ce n'est pas suffisant, notamment pour les énergies renouvelables, la construction d'infrastructures et les transports lourds. Ce sont là les défis qui nous attendent. 

[Lerato Mbele]
Il faut également améliorer l'efficacité des activités et retenir les enseignements. Madame Georgieva, même question : que fait le FMI pour aider les pays à atteindre leurs objectifs climatiques en tenant compte du fait qu'il y a des arbitrages à faire délicats en matière de politique publique, d'action publique ? 

[Kristalina Georgieva]
Le FMI est une institution avec un mandat clair : la stabilité macroéconomique et financière, la croissance et l'emploi. Dans un monde en mutation climatique, les risques climatiques nuisent à la stabilité macrofinancière et en même temps, les actions climatiques créent des débouchés pour la croissance et la production d'emplois. C'est pourquoi, il y a deux ans, le FMI a adopté une stratégie climatique. Même lorsque certains disaient : « Attendez un instant », le FMI et le changement climatique, comment est-ce que cela se concrétise en tandem ? Tout d'abord, nous avons un rôle unique en son genre, c'est-à-dire de continuer de jauger ce qui se passe dans chaque pays. En menant des consultations chaque année. Pour les pays à fortes émissions, nous incluons à présent les questions d'intensité climatique pour voir quels sont les mesures, l'accent public qu'ils peuvent adopter pour réduire ces émissions. Pour les pays vulnérables aux chocs climatiques, nous intégrons dans nos analyses la vulnérabilité. Que peuvent faire les pays ? C'est ce qu'on leur demande. Deuxièmement, nous aiderons les pays à maintenir une certaine stabilité financière. Mais comme Monsieur Mark Carney nous le dira haut et fort, les risques climatiques nuisent à la stabilité financière. Donc, nous accompagnons les pays pour qu'ils recensent les mesures qu'ils peuvent prendre pour, par exemple, aider les banques à réduire les risques au sein de leurs portefeuilles, les risques d'exposition à des secteurs d'activité qui pourraient être en fin de vie ou être progressivement éliminés ou des risques, par exemple, de certains investissements dans des lieux où ils ne devraient pas investir. Troisièmement, nous avons un programme d'intégration des données climatiques qui tiennent compte de l'emploi, des données sur l'inflation, sur la croissance. Et à présent, il faut traiter des données sur l'intensité carbone et la vulnérabilité aux chocs climatiques. Ensuite, nous avons les institutions financières. Nous emboîtons le pas à la parole en injectant des fonds. Nous avons créé le Fonds fiduciaire Résilience et Durabilité. C'est une excellente invention. Nous avons alloué à nos membres des droits de tirage spéciaux et lorsque ces DTS sont accordés à des pays qui ont une position financière solide, cela n'aide pas. Ce sont des actifs dormants, passifs. Donc, on leur demande de mobiliser ces actifs passifs, ces DTS, dans ces pays développés, pour qu'ils nous aident à lutter contre les changements climatiques. Donc, 11 milliards ont déjà été mis en place une année, dont six milliards sur le continent d'Afrique seul. C'est ce que nous faisons. Ce sont les mesures prises. 

[Lerato Mbele]
Merci. Merci de cette intervention. Mark Carney, vous allez parler haut et fort. La stabilité importe et les données sont importantes également. Comme Madame Georgieva l'a expliqué, il y a différents secteurs très variés qui sont envisagés pour acheminer des investissements. L'énergie, l'agriculture et la réduction de la pression sur les espaces urbains, notamment. Donc, il y a un large éventail de domaines qui nécessitent des interventions financières afin de pouvoir orienter les pays dans la bonne direction pour trouver des solutions climatiques. La Glasgow Financial Alliance for Net Zero, la GFANZ, que faites-vous au niveau pays, avec votre alliance, pour créer ce dynamisme ? 

[Mark Carney]
Je tiens tout d'abord à féliciter le Fonds monétaire du travail accompli en matière de climat. C'est macro-crucial, mais cela se manifeste au niveau des pays, au niveau local. Madame la ministre nous parlera de ce que l'on fait ici au Maroc. Mais la question est de savoir que fait le secteur financier pour offrir des capitaux et contribuer à la solution, en particulier sur ce continent et dans ces pays. Il faut tout d'abord qu'on se focalise sur le lieu où a lieu le problème et offrir des capitaux pour y donner une solution. Certaines solutions sont simples, les énergies de l'avenir, la compétitivité de l'économie, mais pas mal de solutions se retrouvent dans des éléments déjà existants de l'économie. Une transformation de l'agriculture, Ajay vient de nous en donner un exemple, dans les industries lourdes, industries, production de ciment, etc., qui doivent baisser leurs émissions de carbone. Je vais vous énumérer tout cela. Il faut donc modifier le système financier pour transformer ces 150 milliards de bilan qui existent plus qu'assez pour l'Afrique, pour leur permettre d'améliorer la solution. Il faut être honnête quant aux émissions. Il faut lutter pour faire baisser les émissions au niveau des pays, des institutions financières, de l'industrie. Il faut des mécanismes financiers. Nous travaillons d'ailleurs avec la Banque mondiale pour que chaque dollar de capital public permette de mobiliser d'autres capitaux. Il faut d'ailleurs des solutions basées sur la nature, notamment. Il faut une approche globale qui doit être appliquée dans la pratique et ces approches doivent être adaptées à la situation. Vous avez fort bien dit que l’Afrique représente 3 % des émissions, 17 % de la population du monde et probablement un tiers de l'impact sur le climat dû à ce continent. Des étapes différentes de développement et donc il faut adapter les montants, les financements aux stratégies de pays, car c'est cela qui est essentiel. 

[Lerato Mbele]
Madame la ministre Benali. Nous aimerions essayer de comprendre les défis, les opportunités qui existent au niveau des pays. Puisque vous êtes le visage de cela, comment le Maroc envisage-t-il ses objectifs en matière de climat et de développement ? Les deux ne signifient pas nécessairement qu'il y ait un compromis, mais comment prenez-vous votre décision ? 

[Leila Benali]
J'aime beaucoup ce que vous avez dit à propos du visage de l'humanité. C'est exactement de cela dont on parle. Lorsqu'on me pose ces questions, on ne parle en général que d'énergie exclusivement. Et je le répète, je suis une seule personne. Je dois m'occuper également de développement durable et pas seulement de climat. Je dois aussi m'occuper de la façon dont on a, dont on cultive, dont on élève du bétail. Il faut veiller aux émissions de carbone, bien évidemment, mais, quoi que nous fassions, nous émettons, nous, du carbone. L'activité humaine est productrice de carbone. Cela fait une partie de notre nature. Et si nous voulons avoir une véritable conversation honnête quant à la façon dont nous vivons, raison pour laquelle j'ai beaucoup aimé votre expression « le visage de l'humanité », et là, j'aimerais ajouter quelque chose. Le Maroc est focalisé sur quatre aspects particuliers. Kristalina a bien sûr joué au football dimanche et d'ailleurs, je vous dirais que notre groupe est bien meilleur que d'autres. Le Maroc, dit-on, vole la conversation pour obtenir la Coupe du monde. Mais enfin, la solution aux problèmes systémiques, comme nous l'avons dit ce matin, n'attendons pas d'être surpris par chaque crise, par chaque événement climatique. Non, l'humanité existe, et depuis longtemps, et s'est attaquée aux crises, à des crises qui sont d'ailleurs transfrontalières et qui dépassent une seule génération. Une approche intégrée à l'échelle du monde. Je suis la même personne, ministre de l'Énergie, Exploitation minière, Développement durable et Gestion des ressources hydriques et le Recyclage. Je ne peux pas être schizophrène. Il faut intégrer ces divers domaines. Quatrièmement, la perspective d'ici à 2050. Nous voulons parvenir à l'objectif d'un degré et demi et pour ce faire, il faut amplifier des solutions basées sur la nature et d'autres solutions technologiques, créées par la technologie d'ailleurs. Je donne l'exemple de la capture du carbone. Nous savons que dans la meilleure situation possible aujourd'hui, nous consommons deux à trois mégawatts par heure pour le carbone que nous produisons. Il faut être plus efficient. Nous devons faire d'ailleurs tout ce que je viens de dire. Il ne faut pas porter un choix. L'Afrique et d'autres régions du Sud global. Bien sûr, il y a des puits de carbone que je placerai en Amérique latine, en Asie du Sud-Est, mais on y trouve également des solutions, des solutions qui permettent d'amplifier ces solutions basées sur la nature et les technologies. Nous ne pouvons pas poser un choix. 

[Lerato Mbele]
Je continue avec vous, Ministre Benali. Vous avez tous soulevé une question, cette idée de ne pas séparer la question de l'énergie, l'énergie propre, la sécurité énergétique, d'une conversation plus large relativement aux solutions aux problèmes climatiques. Alors, cela nous amène à la politique et aux réglementations. Que feriez-vous en tant que ministre tenant compte des défis politiques et économiques que pose la transition énergétique ? 

[Leila Benali]
Excellente question. On parle beaucoup d'énergie, mais il faut aussi parler de l'économie qui existe et qui va subir les répercussions de la transition énergétique. Nos politiques, y compris l'équilibre que nous devons amener : deux ou trois mégawatts l'heure pour capturer du CO₂, représentent ou sont l'équivalent des cinq kilowatts dont j'aurais besoin pour offrir une aide aux régions qui ont subi les répercussions du séisme. Il faut penser aussi aux autres financements. Il faut donc minimiser le coût. Il faut donc recourir à la démocratie. Il faut traduire la politique en chiffres. Minimiser le coût des technologies impliquées dans la transition énergétique. Bien sûr, comme j'ai dit ce matin, la population, la croissance démographique est rapide, les problèmes de gouvernance le sont tout autant. Donc, il faut penser au niveau local, au niveau des communautés locales, leur offrir un renforcement de leurs capacités afin d'accompagner cette décentralisation et de minimiser le coût. J'aimerais beaucoup vous en parler davantage, mais je ne le ferai pas. 

[Lerato Mbele]
Madame Georgieva, puisqu'on parle d'atténuation et d'adaptation, et des interventions qui sont nécessaires, quelles sont les politiques, à votre avis, qui permettraient de libérer les investissements, de les décaisser à échelle pour qu'elles aient un véritable impact ? 

[Kristalina Georgieva]
Les actions d'atténuation et d'adaptation sont quelque peu différentes. Pour ce qui est de l'atténuation, nous avons vu que le coût est arrivé à un niveau viable dans une optique commerciale. Si l'on voit la façon dont l'énergie solaire est devenue très disponible, et le Maroc d'ailleurs a une énorme production d'énergie solaire. Si vous voulez voir le monde de demain, allez voir ce lieu. Vous serez étonné. Il en va de même pour l'éolien. Lorsqu'on parle de développement technologique qui permet de rabaisser le coût afin que les investissements deviennent possibles, c'est possible. Mais il faut aussi qu'il existe une infrastructure pour que l'agriculture devienne résiliente au climat. Il faut impliquer d'autres aspects. J'ai vu d'ailleurs que cela peut se faire et je vous donne un exemple. Le Bangladesh, un pays qui perdait des milliers d'habitants lorsque des inondations se présentaient. Soixante mille personnes affectées. À l'heure actuelle, si la même tempête frappe le Bangladesh, il y aura cinq ou six morts. C'est toujours cinq ou six morts de trop, mais enfin, cela a été rendu possible parce qu'à l'heure actuelle, on a construit les écoles afin d'en faire également des refuges pour les animaux. Ils ont mis en place un système d'alerte, disant aux habitants : « Une tempête s'annonce, prenez refuge, protégez-vous. » Lorsque les inondations se présentent, les poules se noient, donc remplacez-le par un autre bétail, par une autre volaille. Cela permet de sauvegarder le cheptel. La décarbonation dans les marchés émergents doit être rapide afin de préserver le monde, d'empêcher sa faim. Mon cher ami, ici, Président de la Banque mondiale, institution magnifique, Mark Carney, le Fonds monétaire… veilleront tous à ce que des politiques soient mises en place afin d'attirer l'investissement privé en montants suffisants. 

[Lerato Mbele]
On en arrive à parler de politique qui encourage un déploiement de capitaux. Quelles sont vos observations ? Que peuvent faire les politiques pour convaincre le secteur privé à investir, à accepter le risque ? Quelles sont les actions délibérées que l'on peut mettre en place ? 

[Mark Carney]
Tout d'abord, il faut définir clairement les objectifs. Les objectifs évolueront de façon différente d'après la situation actuelle. La situation est différente au Cameroun ou au Canada, lorsqu'on parle de 2030. Il faut donc clairement cerner l'objectif. Ensuite, l'élément principal pour atteindre l'objectif dans le cadre de la stratégie énergétique ou agricole. Il faut aussi avoir des politiques précises, mais les deux premiers éléments serviront d'ancrage aux politiques plus spécifiques. Si on pense au côté énergie, et je m'en tiendrai là, dans l'idéal, il faut qu'il existe un certain degré de certitude de demande, que les marchés publics soient réglementés, qu'il y ait une réglementation quant au panachage énergétique, tenant compte des différences des pays et des technologies. Et ces éléments offriront une certaine sécurité aux financiers. La sécurité ne sera jamais totale, la certitude non plus, mais les autres politiques qui sont nécessaires se réfèrent au côté financier, encouragent un financement de tous les éléments de la transition. Dans des économies où il existe un mix énergétique traditionnel, pétrole et gaz, vous ne pouvez pas arrêter d'un jour à l'autre, ce ne serait pas une transition juste. Il faut donc travailler avec les communautés, former et éduquer les individus. Et tout cela, bien évidemment, doit être financé et cela vaut la peine de le faire. On ne peut pas enlever les investissements de côté pour investir dans un autre secteur. Il faut prendre en compte l'ensemble de la chaîne énergétique. Cela permet alors de travailler au niveau de la politique énergétique, dont la ministre Benali est chargée, pour obtenir ces capitaux. Donc réglementations et interventions systématiques. 

[Lerato Mbele]
Monsieur Banga, nous ne vous avons pas entendu depuis un moment, alors je vous pose une question. Vous avez eu une carrière distinguée avant la Banque mondiale. Vous êtes maintenant devenu Président de la Banque mondiale, une institution financière multilatérale. Vous connaissez les conversations au niveau du conseil d'administration. Vous avez dit qu'il est important de dégager des synergies ou un terrain commun avec le secteur privé. Comment allez-vous encourager la relation avec le secteur privé, puisque vous avez l'avantage de connaître les deux côtés ? 

[Ajay Banga]
Tout cela provient du fait qu'il faut obtenir ces financements, mais d'où proviendra le financement ? Il ne proviendra pas des coffres de gouvernements qui déjà sont mis à rude épreuve. Vous savez tout cela. Les banques multilatérales de développement, et même si j'aimerais beaucoup croire qu’elles offrent une solution à chacun, leurs capacités sont limitées. Ce qu'elles peuvent offrir est évident et très valable et précieux, mais ce n'est pas suffisant. Il faut le financement, il faut l'argent. Et, à mon avis, on peut s'adresser à trois endroits. Secteur privé, j'y reviendrai. Premièrement, ce n'est pas un sujet très populaire, mais les subventions. Le monde dépense 1,3 mille milliards de dollars en subventions aux pêches, à l'agriculture notamment, de 5 à 6 000 milliards de dollars par an, au niveau de l'impact environnemental. Je ne dis pas qu'il faille supprimer toutes les subventions. Il y en a certaines qui sont absolument cruciales pour maintenir le contrat social entre un gouvernement et ses citoyens. Mais 1,3 mille milliards de dollars, c'est quand même énorme. L'Europe dépensait de 12 à 60 milliards par an en subventions aux engrais et dépense maintenant le même montant donné aux agriculteurs pour les encourager à utiliser moins d'engrais. Et cela, à mon avis, c’est une façon intelligente de prendre une subvention dangereuse pour l'environnement, et de la transformer en une subvention utile du point de vue climat. Et donc, il faut absolument parler de la question des subventions, trop souvent perdue de vue parce que ce n'est pas une conversation populaire. Mais cela est un détail qui mérite absolument qu'on s'y attarde. Le deuxième est semblable, c'est les marchés du carbone volontaire. Mark Carney en a parlé, il y a à peu près cinq ou six ans de cela, il était le premier à mentionner les marchés du carbone volontaire. Il était responsable de la réglementation. On est entrés dans son bureau et j'ai commencé avec lui à parler de ce sujet. Je me souviens bien que j'en savais très peu à ce sujet à l'époque, mais je savais assez pour savoir que c'était important. La Banque mondiale est à quelques mois de pouvoir convertir de vrais changements en foresterie en crédits sur le marché carbone volontaire. Cela aura une incidence sur les pays africains, tels que le Congo, qui ont beaucoup de forêts. Il y aura également des répercussions en Amérique latine et en Asie. J'étais en Indonésie. J'ai vu des plantaisons de mangroves faites par le gouvernement indonésien. Si cela est bien fait, ils vont, au cours des trois prochaines décennies, réduire énormément les émissions. Avec la contribution de la Banque mondiale, c’est une vraie vérification, ce sont de vrais crédits écologiques plutôt qu'une apparence d'un écoblanchiment. Ces mesures sont vraiment très viables. Lorsqu'un ministre doit toujours trouver des exigences, concilier des exigences d'argent et de mesures concrètes, c'est toujours compliqué. Donc, je ne veux pas dire que c'est un sujet facile, c'est un sujet très difficile. Je suis certain que nous allons être critiqués pour ce que l'on dit, mais si l'on ne progresse pas parce que l'on craint la critique, alors on laissera passer cette possibilité de transférer des sources de personnes qui en ont besoin, ou vers les personnes qui ne peuvent pas se permettre l'achat de carbone, mais qui en ont besoin. Parler de taxe sur le carbone n'est pas si simple. Si vous pensez qu'un citoyen qui vit au Mississippi sera imposé pour le Soudan, ce sera la dernière fois que des mesures d'énergie seront prises par un président. Je dis que cette solution des marchés du carbone volontaire permet à des capitaux de circuler. Finalement, le secteur privé, c'est une solution, mais il faut penser au rythme. Cela prend du temps et ces changements ne peuvent pas avoir lieu du jour au lendemain. Mais l'atténuation dans les pays plus importants à revenus moyens doit changer la courbe des investissements. Il y a assez d'investisseurs du secteur privé qui aimeraient investir dans ces pays, mais ils se trouvent avec deux risques qu'ils ne comprennent pas, qui dépassent le cadre de leur compréhension. D'abord, il y a les risques politiques, que ce soit s'agissant de changements gouvernementaux, parce que toute promesse faite s'évapore, ce genre de risques. Le deuxième risque, c'est celui des effets. Ce sont là les deux extrêmes. Les risques de change sont plus difficiles à régler. Pour les risques politiques, nous les avons évoqués : il faut disposer et fixer les bonnes politiques réglementaires en amont des décideurs. Et d'ailleurs, il y a un code QR qui circule dans la salle qui est très utile pour comprendre cette situation. Il y a sept documents qui font état des changements dans ce domaine. Donc, une clarté est en train d'être apportée en matière de politique réglementaire. Vous présentez cela aux secteurs privés, ils vont vous dire, par exemple, au Maroc, qu'ils savent comment appliquer certaines mesures. Ensuite, il y a les assurances que l'on vend. On vient d'obtenir l'approbation de notre conseil pour l'assurance MIGA, pour qu'elle soit appliquée à toutes sortes de banques multilatérales de développement et pas simplement à la Banque mondiale. C'est très important. Peut-on l'élargir dans sa portée ? Oui, et c'est notre rôle. Nous tentons de nous y atteler. 

[Lerato Mbele]
La dernière partie. À mesure que nous concluons notre conversation, il nous reste très peu de temps. J'aimerais juste dire à notre auditoire en ligne que vous avez posé certaines questions. Je tente de les poser à l'auditoire, mais nous avons également un large éventail de spécialistes qui répondent à vos questions en temps réel. Mais je vais vous poser peut-être cette question comme question de conclusion pour vous tous, intervenants et intervenantes. Vous pouvez voir que nous sommes à l'heure. Nous avons des règles de radiodiffusion. Donc la réponse la plus brève, s'il vous plaît. Pour que les pays en développement établissent une priorité en faveur de la lutte contre le changement climatique, quelles mesures peuvent-être prises pour favoriser un dynamisme ? On parle de problèmes, mais quelles sont les solutions ? C'est ce qui est encore plus important. Madame Georgieva. 

[Kristalina Georgieva]
De notre côté, nous avons Dame Nature. Dame Nature, elle réunit les décideurs de Parlement. Je parlais avec des leaders d'Afrique il y a 10 ans et ils nous disaient : « Cette question d'échange climatique, c'est pour l'Occident, pas pour nous. Nous ne sommes pas concernés. On ne veut plus en entendre parler. » Quelles sont les solutions donc ? Il n'y a pas de recette magique, mais si vous mettez en place de bonnes politiques qui encouragent et promeuvent la viabilité et vous amenez les responsables du financement en titre du développement pour qu'ils se réunissent. Avec Ajay Banga, on s'est engagé à unir nos forces. On peut essentiellement faire en sorte que les administrations nationales relèvent les obstacles et l'investissement du secteur privé, ce qui donnera lieu à d'excellentes initiatives. Mais plus important que toute autre mesure, nous devons cesser la culture de la critique pour faire une transition vers une culture qui se tient les mains, qui est solidaire. 

[Applaudissements] 

[Lerato Mbele]
Ajay Banga, quelques solutions ? 

[Ajay Banga]
Je vais rajouter simplement que donner des incitatifs aux différents pays, que ce soit par des financements concessionnels, des prix plus faibles, des mandats à plus long terme, pourra aider aux biens communs publics. Mais il ne faut quand même pas perdre de vue l'idée des marchés du carbone volontaire. C'est l'idée principale qui permettra d’acheminer les flux financiers dans la bonne direction. 

[Lerato Mbele]
Madame Benali. 

[Leila Benali]
Je dirais de faire sortir les politiques de la salle et de laisser les économistes prendre des décisions en matière de carbone, marchés du carbone volontaire, et de concevoir ces marchés en prévoyant des prix du carbone qui valorisent la valeur de l'humanité, la valeur de la vie. Ensuite, les politiques, on les ramène dans la salle pour qu'ils bouclent les négociations. 

[Applaudissements] 

[Lerato Mbele]
Mark Carney. 

[Mark Carney]
Tout à fait d'accord avec ce qui vient d'être dit. Je suis conscient du fait que nous ne parlons pas d'une nécessité, mais d'une technologie qui fait un bond quantique. Que ce soit en téléphonie mobile, en finances, on l'a fait déjà, on peut le faire dans le domaine énergétique. Je note aussi qu'on pourra en discuter autour d'un repas et je note que c'est du couscous avec du canard. 

[Lerato Mbele]
Merci de votre temps, messieurs-dames, pour le partage de ces idées très utiles, pour concrétiser ces démarches et ces actions dans tous les pays qui sont à notre portée. Le temps, c’est à la lutte contre la montre et nous devons des politiques solides pour faire en sorte que les investisseurs soient attirés. Et si l'on veut vraiment établir et favoriser une planète vivable, nous devons travailler en partenariat, main dans la main. Voilà qui conclut cet événement. Nous espérons que vous l'avez trouvé éducatif et édifiant et vous pourrez rejouer le replay à worldbank.org/annualmeetings. Je vous prie de continuer vos échanges au hashtag #WBMeetings. Il nous tarde d'entendre parler de vos réflexions. Merci de vous être joints à nous.

00:00 Introduction
02:14 Déterminer les priorités visant à mettre fin à la pauvreté sur une planète vivable
05:33 Soutenir les pays dans la poursuite de leurs objectifs climatiques
14:45 Créer une impulsion et une traction au niveau national
18:07 Comment le Maroc aborde ses objectifs climatiques et de développement
22:04 Visions du Maroc sur les enjeux d'économie politique de la transition énergétique
24:25 Des politiques pour débloquer des investissements à grande échelle
28:07 Investissements et risques
30:48 Synergies avec le secteur privé
37:56 Monde en développement : donner la priorité au changement climatique
41:13 Conclusion

Ressources utiles

Intervenants

Modératrice