[Pilita Clark] Hello ! Bonjour tout le monde dans la salle. Et… En ligne. Je suis Pilita Clark. Je suis rédactrice en chef adjoint au Financial Times. J'ai le plaisir de vous accueillir ici, au pavillon conjoint du Fonds monétaire international, de la Banque mondiale et du Financial Times, à la COP28 à Dubaï. J'ai avec moi aujourd'hui pour inaugurer le pavillon Ajay Banga, président du groupe de la Banque mondiale. [Applaudissements] Et Kristalina Georgieva, directrice du Fonds monétaire international. Et j'ai une question d'emblée pour vous deux : à combien de réunions COP avez-vous pris part ? Kristalina d'abord.
[Kristalina Georgieva] Six pour moi. Six COP, y compris Copenhague.
[Pilita Clark] D'accord, Ajay ?
[Ajay Banga] Ma première réunion.
[Pilita Clark] Et vos premières impressions ?
[Ajay Banga] Je ne sais pas. Je viens d'arriver. J'ai atterri ce matin, je cours d'une réunion à l'autre et donc si vous me posez la question dans quelques jours, vous aurez une meilleure réponse.
[Pilita Clark] D'accord, allons de l'avant. Nous n'avons pas malheureusement beaucoup de temps. Comme d'habitude, nous avons beaucoup, beaucoup à faire. Donc, jusqu'à présent, la première nouvelle de la COP est qu'il y a plus de 400 millions de dollars promis pour le fonds des pertes et dommages climatiques, dont la banque et l’hôte. Ajay, pouvez-vous nous dire quand le décaissement va commencer et quels sont les projets que vous allez pouvoir soutenir ?
[Ajay Banga] En fait, je n'ai pas encore de réponse à ces deux questions. C'est encore trop tôt. On vient tout juste de recevoir l'approbation. Nous avons déjà 420 millions de dollars et nous attendons davantage. Et c'est un bon signe. En réalité, la banque, à l'heure actuelle, ne va pas se charger de l'allocation des fonds. Cela va se faire par un organe de gestion qu'il faudra créer et au sein duquel seront représentés les pays donateurs et les pays récipiendaires. Nous, on fera office d'administrateur. Nous nous chargerons de diriger et d'opérer, de nous assurer que l'argent va là où il doit aller, parce que nous savons comment le faire. Mais à l'heure actuelle, nous ne décidons pas nous-mêmes où vont les fonds, quel dollar va où. Cela peut changer. Il y a des discussions de la part des pays qui peuvent changer la situation, mais ce n'est pas encore le cas.
[Pilita Clark] D'accord. Et avez-vous un exemple de la manière dont vous allez utiliser ces fonds ?
[Ajay Banga] Au départ, il va s'agir d'assistance technique et d'analyse parce qu'on est encore au tout début et que 420 millions de dollars ne vont pas nous mener bien loin en matière de dommages et de pertes climatiques. Nous allons étudier les faits, étudier les chiffres. Et puis, je crois peut-être, si on fait bien notre boulot l'année prochaine, nous commencerons à utiliser les fonds pour aider les pays sur le terrain autant que possible. C'est un peu similaire en fait au fonds pour la pandémie qui a été créé il y a près de deux ans. Et donc nous avons commencé à peine à décaisser il y a trois ou quatre mois.
[Pilita Clark] Kristalina, vous espériez probablement avoir plus d'argent pour le fonds dans le cadre des efforts climatiques et en général, le FMI vient de publier une nouvelle analyse selon laquelle d'ici 2050, les investissements à carbone réduits devront atteindre 5 trillions de dollars par an, soit cinq fois plus qu'en 2020. Comment est-ce que le monde va y arriver ? Est-ce que vous pouvez également nous mettre à jour en ce qui concerne le Fonds pour la résilience et la durabilité du FMI ?
[Kristalina Georgieva] Oui, laissez-moi dire d'abord que c'est la première COP où la Banque mondiale et le Fonds monétaire international ont un pavillon conjoint.
[Ajay Banga] Avec le Financial Times.
[Kristalina Georgieva] Oui, avec le Financial Times, bien sûr. Et nous voulons ici envoyer un message, à savoir que nous avons besoin de travailler ensemble de manière à réaliser à deux quelque chose de plus important que ce qu'on aurait pu réaliser chacun tout seul. Et pour en revenir à l'argent, 5 trillions semble être un objectif impossible. Mais est-ce que c'est vraiment impossible ? Aujourd'hui, le volume de l'économie globale représente plus de 100 trillions de dollars et bien sûr, il continue de croître. D'ici quelques années, nous allons avoir plus de capacité pour financer toutes formes d'activités. La deuxième question que nous devons nous poser, c'est s'il s'agit vraiment d'un investissement climatique ou est-ce que nous parlons plus souvent de climat et de développement ? Et si c'est le cas, bien sûr, on ne doit pas se laisser impressionner par ce montant. Des investissements de cet ordre ne sont pas en fait tellement importants. Et puis également, même si nous ne trouvons pas que la tâche est impossible, il reste que c'est une pente ascendante. Donc il faut escalader. Et donc il faut aussi utiliser tous les instruments, tous les outils qui sont à notre disposition. Et là, nous encourageons vivement l'utilisation de la tarification du carbone parce que nous croyons qu'elle a le potentiel nécessaire pour augmenter les revenus d'une manière qui est équitable. Parce que plus on consomme, plus on pollue, plus on paie. Et c'est également un encouragement à accélérer la décarbonisation. Nous allons donc avoir besoin, en d'autres termes, de moins d'argent, parce que la consommation et la production vont s'adapter à la nouvelle situation. Et puis, deuxièmement, nous nous dirigeons vers un financement privé public qui peut avoir l'impact nécessaire. Le financement mixte n'est plus à l'heure actuelle interréalité et on va en parler. On va parler de plusieurs instruments à cet égard. La troisième source de financement, en toute franchise, pour les pays d'avoir un surcroît de discipline dans la collecte des impôts individuels et corporatifs. Parce qu’aujourd'hui, au niveau de la collecte des taxes et dans plusieurs pays en voie de développement, elle est en deçà de 15 % du ratio impôts/PIB. Et c'est là le minimum possible pour fonctionner. Et d'ailleurs, même si on arrive à 20, 22 ou 23 %, nos analyses montrent qu'il est toujours possible d'améliorer la collecte des impôts, notamment à travers la numérisation. Et là, l'évasion devient plus difficile. Il faut être également plus agressif en ce qui concerne les impôts, imposer ceux qui ne paient pas toujours ou qui ne paient pas encore de taxes ou d'impôts. C'est un problème qui peut être résolu. Et dans nos institutions, nous allons contribuer à trouver une solution à ce problème. Et nous avons à l'heure actuelle 40 milliards de dollars dans le Fonds pour la résilience et la durabilité.
[Pilita Clark] C'est un nouveau fonds ? Et avez-vous commencé à utiliser ces fonds ?
[Kristalina Georgieva] Oui, nous avons en fait onze programmes, dont six en Afrique. Je crois que le total alloué est autour, je crois, de 7 milliards. Je regarde Dora. Combien, Dora ? Combien ? Alloué ou décaissé ? Alloué.
[Pilita Clark] Donc le décaissement. La question principale ou le problème ?
[Kristalina Georgieva] Non, en fait, nous avons commencé à décaisser. Donc je suis désolée aussi parce que je crois que j’ai dit onze, mais il y a également des programmes qui viennent d'être soumis au conseil et la demande est vraiment incroyable, très forte. La performance s'améliore également et nous comptons sur notre ami de la Banque mondiale ici présent pour la qualité des décisions politiques que nous allons pouvoir soutenir. À l'heure actuelle, je dis à tout le monde que nous avons besoin de beaucoup plus. Et aujourd'hui, les Émirats ont annoncé 200 millions supplémentaires pour le Fonds pour la résilience et la durabilité. Merci beaucoup.
[Ajay Banga] Au niveau de l'argent, laissez-moi vous dire ici qu'on n'a pas besoin de trillions de dollars partout. Il faut prendre un peu de recul. Nous parlons d'argent pour l'énergie renouvelable. Prenons le méthane, par exemple, le méthane des rizières, le méthane du bétail, le méthane de la gestion des déchets. Là, on n'a pas besoin de trillions de dollars pour réduire les émissions de méthane et le méthane est plus dangereux que le dioxyde de carbone. Nous allons beaucoup parler de méthane dans les deux prochains jours. Nous avons besoin de moins d'argent. Deuxièmement, nous venons de lancer le marché de carbone pour la foresterie, pour la sylviculture, les marchés de carbone volontaires. Si nous pouvons démarrer avec un bon nombre de crédits à cet égard. Cela est très important. Et puis, s'il est possible de certifier les crédits au niveau de la qualité écologique et de la qualité sociale, cela signifie que la majorité de l'argent issu de ces crédits va en fait revenir aux communautés qui dépendent de ses habitants.
[Pilita Clark] Ce programme dont vous venez de parler, vous y travailler depuis une dizaine d'années, c'est ça ?
[Ajay Banga] Oui, une décennie.
[Pilita Clark] Et les crédits vont être vendus sur les marchés volontaires de carbone ?
[Ajay Banga] Oui, c'est ça. Ce ne sont pas des crédits de conformité, ça va au-delà.
[Pilita Clark] Donc, si par exemple, vous achetez un billet d'avion, la compagnie peut vous demander si vous voulez compenser pour le vol ?
[Ajay Banga] C'est le concept en fait, oui.
[Pilita Clark] Et ces crédits pourront être achetés par cette compagnie d'aviation, c'est ça ?
[Ajay Banga] Oui. La compagnie, les sociétés, les gouvernements, les individus, etc.
[Pilita Clark] Mais jusqu'à présent, ces crédits sont d'une qualité douteuse. Mais dès l'année prochaine, lorsqu'ils seront vendus, cela va changer ?
[Ajay Banga] En clair, ce sont des crédits liés à la sylviculture dans des pays où nous avons pu prendre part à des projets sur le terrain. On peut, à travers des contrôles écologiques ou sociaux par exemple, garantir qu'un projet est écologiquement propre, de s'assurer que l'argent va aux communautés locales.
[Pilita Clark] Donc, c'est ça le but : des crédits de meilleure qualité qu'on peut vérifier. Donc, sur les marchés de carbone volontaires. Et nous espérons que cela va améliorer la tarification avec le temps.
[Ajay Banga] Oui, c'est ce que nous voulons.
[Pilita Clark] Oui, Kristalina, au niveau de la tarification du carbone, et nous, au Financial Times, nous soutenons la tarification carbone. Le prix moyen du carbone a toutefois augmenté, comme vous le savez, avec les chiffres que vous publiez chaque année, atteint 6 dollars la tonne.
[Ajay Banga] Il y a des tonnes à 1 dollar.
[Pilita Clark] Oui, mais la moyenne, la moyenne est 5 à 6.
[Kristalina Georgieva] C'est ça.
[Pilita Clark] Et selon le FMI, on devrait atteindre 85 dollars d'ici 2030 ? Est-ce que c'est possible ? Cela peut être utile, bien sûr, mais est-il vraiment possible d'atteindre 25 dollars d'ici 2030 ?
[Kristalina Georgieva] Dans l'absolu, si on abandonne, rien ne va se passer. C'est ce que je sais. Donc il faut persévérer et il faut travailler avec les pays pour qu’eux choisissent leur tarification du carbone à travers les impôts, à travers le commerce ou à travers la conformité sur le plan des normes et des règlements. Ce qui en fait, entraîne implicitement à la tarification du carbone. Il faut se concentrer à ce niveau moins sur l'idéologie et en fait sur l'intérêt des pays. Pourquoi les pays vont le faire ? Nous avons des preuves solides. Les pays doivent le faire d'abord parce que c'est pratique. Les pays ne peuvent pas régler leurs problèmes à travers les emprunts. Si vous voulez financer la transition à travers des emprunts uniquement, vous allez finalement aboutir à une faillite. Cela n'est pas possible. Et puis, deuxièmement, cela va engendrer des revenus. Troisièmement, cela nous incite à changer le comportement, notre comportement. Et quatrièmement, dans la tarification du carbone, il y a une consistance dans le temps. Cinq Aujourd'hui. Six demain, après demain, etc. Donc il y a une continuité. Enfin, comme je l'ai dit au départ, ce qui est important, c'est un processus équitable et on y a travaillé.
[Pilita Clark] D'accord, d'accord.
[Ajay Banga] Au niveau du carbone, si vous le permettez, il y a la tarification du carbone pour les marchés locaux ou domestiques. Et là, le but est de changer le comportement du consommateur local et les dépenses en fonction du prix du produit consommé. Et puis il y a les marchés volontaires du carbone qui sont en fait le meilleur moyen, à mon avis, de déplacer l'argent du monde développé vers le monde en voie de développement, qui a beaucoup de ressources naturelles comme les forêts et le soleil levant. Là, on peut déplacer l'argent plus facilement. On ne peut pas déplacer l'argent vers les pays en voie de développement en augmentant les taxes dans une démocratie quelque part. Là, la clé, ce sont les marchés volontaires de carbone. Bien sûr, ce n'est pas facile. Je ne sais pas si on peut arriver au niveau requis d'ici 2030, mais il faut le faire parce que personne d'autre ne va le faire et on en a besoin.
[Kristalina Georgieva] Et pour être clair, il y a dix ans, la couverture de la tarification carbone était très faible autour de 10 % et les prix étaient de loin inférieurs. Donc nous avançons. Et je vous demande à tous, lorsque vous travaillez avec les preneurs de décisions politiques, de ressasser, de répéter en permanence que sans tarification du carbone, on ne peut pas arriver à l'objectif de 1,5 degré.
[Pilita Clark] Je vais peut-être donner la parole aux personnes dans la salle. Si vous avez une question, levez la main et peut être que nous prendrons deux questions à la fois. Y a-t-il un micro quelque part ? Allez-y. Pouvez-vous vous présenter ?
[Amanda Ellis] Oui, Je m'appelle Amanda Ellis. Je suis de la Nouvelle-Zélande. J'ai travaillé à la Banque mondiale dans le cadre du Forum du secteur privé pour la capacitation de la femme. J'ai vu des rapports fascinants sur le développement en matière de changement climatique. Et puis le travail que vous avez accompli au niveau des subventions, Kristalina, est fascinant aussi. Je vous ai entendu en parler, mais là, vous n'avez pas parlé des 7,1 trillions de dollars de subventions aux carburants fossiles.
[Kristalina Georgieva] 5 trillions, 5 trillions. Oui, merci. Et désolée, pour ventiler un peu les chiffres, 7,1 trillions, dont aujourd'hui 1,3 trillions sont des subventions directes aux carburants fossiles, ce qui est absurde. Mais le reste est lié à la tarification du carbone. Donc merci beaucoup, vous avez été très utile.
[Ajay Banga] J'ai parlé moi aussi des subventions. Certaines subventions du carburant fossile ou de l'agriculture ou des poissonneries peuvent être justifiées dans certains pays ou dans certaines circonstances dans certains pays. Si on peut fournir du gaz pour la cuisine à des prix inférieurs à ceux, par exemple du bois et du charbon, cela serait vraiment bien. Mais le problème est de savoir si l'on peut réorienter les subventions. L'Union européenne, par exemple, à réorienter 60 milliards de dollars de subventions aux engrais et les consacre aujourd'hui à encourager les agriculteurs à utiliser moins d'engrais. Et les engrais, bien sûr, finissent par polluer l'eau. En fait, ça, c'est une manière intelligente de réorienter les subventions. Cela va dans le sens de nos objectifs en tout cas.
[Pilita Clark] C'est un exemple très intéressant. Je ne sais pas s'il y a d'autres exemples similaires avec des montants pareils. Monsieur, vous avez une question ? Attention. Présentez-vous, allez-y.
[Majid] Oui, salut, je suis Majid du Consortium Hindu du Pakistan. Dans une lettre récente, la Banque mondiale affirme, je cite : « que l'objectif du groupe de la Banque mondiale est de mettre un terme, au bout du compte, à l'usage des carburants fossiles en accélérant le développement à carbone réduit et la croissance résiliente sur le plan climatique. » Fin de citation. Lorsque vous dites ultimately en anglais, « au bout du compte » en français, dans ce cas, cela peut vouloir dire deux ans ou 200 ans, non ? Est-ce que vous pouvez élaborer ? Donc, le groupe de la Banque mondiale a pour objectif, en anglais, on dit [langue étrangère : to ultimately end fossil fuel use]. Ce que vous voulez dire par « au bout du compte » ?
[Pilita Clark] Merci. Bonne question.
[Ajay Banga] Bon, je peux dire d'emblée que je ne crois pas que deux ans soient faisables. Ce serait très optimiste. Ce n'est pas le cas. Ce que je crois, c'est que les pays qui veulent fournir un meilleur accès à l'énergie, à l'électricité, à leurs citoyens doivent pouvoir fournir à un prix accessible à tous. Et nous devons aider les pays et leur proposer une voie vers la transition. En Afrique, 600 millions de personnes n'ont pas accès à l'électricité. Nous venons tout juste d'approuver un projet de 15 milliards de dollars, dont cinq que nous fournissons et dix que nous avons mobilisés. C'est un projet pilote en Afrique de l'Est pour essayer de permettre à 100 millions de personnes d'avoir accès à l'électricité grâce à l'énergie solaire et aux grilles électriques développées. Donc on peut le faire, mais pas en deux ou cinq ans. Je suis là depuis six mois. Si je savais comment on pourrait se passer de carburants fossiles, j'aurais été là il y a quinze ans. Voilà, je n'ai pas de meilleure réponse, mais je sais vers où je me dirige. Je sais qu'il faut améliorer le mélange en augmentant la part des énergies renouvelables. Il faut y penser. Il faut penser à plusieurs niveaux à cet égard. Et puis le changement climatique, rappelez-vous, ce ne sont pas seulement les émissions. Par exemple, pour les populations de l'hémisphère sud, et vous, vous êtes de l'hémisphère sud comme je l'étais, lorsqu'on parle de changement climatique, on parle également de pluviométrie, on parle de perte de biodiversité, de dégradation des sols, etc. Il faut se concentrer sur les deux aspects à la fois, sinon on ne fera qu'une partie de ce qui est nécessaire au niveau du changement climatique.
[Pilita Clark] Je sais que vous avez des collègues qui vous encouragent à vous rendre à d'autres réunions, mais j'aimerais élaborer parce que, comme vous le savez, durant cette COP et lors des deux précédentes, il y a une discussion importante sur le choix entre la réduction progressive ou la suppression progressive des carburants fossiles. Qu'est-ce qui faciliterait le boulot du FMI et de la Banque mondiale, par exemple, si cette COP décide qu'il faut une réduction progressive du carburant fossile ?
[Kristalina Georgieva] Le Fonds monétaire ne finance pas des projets, mais votre question reste tout à fait pertinente par rapport à nous parce que nous fournissons des conseils aux pays en matière de politique. Et lorsque nous le faisons, nous sommes obligés, nous sommes tenus aujourd'hui par le Conseil d'intégrer également les politiques climatiques. Et donc si un pays est un pays en transition en fait, autrement dit, si c'est un secteur important qui dépend du carburant fossile, nous devons aider ce pays à voir comment s'en sortir de manière économiquement efficace et de manière rapide à la fois. Donc, s'il y a une décision qui est prise, notre mission à nous est d'aider les pays à atteindre leur objectif ou de leur montrer la meilleure voie, en tout cas pour sortir de leur situation. Et lorsqu'ils… Lorsqu'on parle des efforts d'atténuation, encore une fois, notre mission est de donner aux pays les meilleurs conseils politiques. Et bien sûr, et cela ne va pas vous surprendre, nous commençons par la tarification carbone, mais nous essayons également de voir comment est-ce que ces pays peuvent être plus efficaces pour la Banque mondiale. Et Ajay, cela est important aussi du point de vue du portefeuille de la Banque mondiale. Et je suis sûr que la Banque tiendra compte des décisions des États membres de la meilleure façon possible.
[Ajay Banga] Oui, en effet, nous nous étions engagés à atteindre 35 % de financement climatique d'ici 2025. Nous avons dépassé l'objectif et aujourd'hui, j'annonce que nous avons un objectif de 45 % d'ici 2025, soit 40 milliards de dollars par an, 50 % pour l'adaptation et 50 % pour l'atténuation.
[Pilita Clark] Et cela veut dire quoi par rapport au climat ?
[Ajay Banga] Il ne s'agit pas, ça veut dire qu'il ne s'agit pas uniquement d'énergies renouvelables, d'énergies traditionnelles. On parle de la nature, on parle des sols, de la dégradation, etc. Mais votre question, en fait, est une question excellente et vous la posez d'une façon très intéressante. Est-ce que ma vie serait plus facile si j'avais plus de clarté sur ce que nous devons faire ? Suppression progressive ou réduction progressive ? À l'heure actuelle, la réponse est claire nous parlons de réduction progressive. Mais votre question, au fond, est de savoir si nous allons passer à la suppression progressive. Ce qui est clair à l'heure actuelle, c'est qu'il s'agit de réduction progressive, ce qui veut dire sur le plan pratique en fait, un changement du mélange renouvelable fossile avec le temps. Et là, il faut dans presque chaque pays trouver s'il est possible d'avoir recours plus à l'énergie renouvelable pour les besoins de base du pays. On parle d'énergies hydroélectrique, géothermique, nucléaire ou le gaz naturel traditionnel. Adieu noblesse, le charbon. C'est ça le problème. Il faut voir qu'est-ce que réduire ou supprimer progressivement veut dire. Ce qu'il faut faire à mon sens, c’est se diriger agressivement vers la réduction progressive avec un plan de transition pratique. Si l'objectif est agressif et ambitieux, cela peut encourager les technologies à développer, par exemple des batteries renouvelables avec une capacité, une durée de vie supérieure. Il y a beaucoup à faire avant de réussir à supprimer complètement l'énergie fossile. Et puis, il ne faut pas oublier le changement climatique. Même si nous trouvons une solution à l'énergie renouvelable, il nous faut aussi des solutions à l'agriculture, au métal, au bétail, aux matériaux de construction, au transport lourd et à la capture du carbone. Donc on ne peut pas se focaliser sur un sujet unique. C'est un sujet compliqué, le climat, et nous avons donc besoin d'une réflexion complexe. Ce n'est pas si facile. Il faut être ambitieux. C'est ce que je dis.
[Pilita Clark] Oui, sur la capture du carbone, au bout du compte, c'est inquiétant si la décision va dans le sens de la réduction progressive des carburants fossiles qui restent utilisés.
[Ajay Banga] Je comprends, je comprends, je comprends le problème, je comprends. Et alors c'est une discussion intéressante. La réalité, en fait, c'est et alors, moi, par exemple, j'ai étudié des rapports scientifiques qui affirment que si nous sommes incapables de régler tous les problèmes liés à l'énergie, à l'agriculture, aux transports et à la construction, on aura besoin de la capture du carbone de manière active jusqu'à 2050. Moi, je crois qu'il ne faut pas utiliser cette réalité comme une excuse pour ne pas changer la part des énergies traditionnelles et renouvelables en faveur de l'énergie renouvelable. Il faut pouvoir agir à plus d'un niveau en même temps. Voilà.
[Pilita Clark] D'accord. Merci à tous les deux, ça a été un plaisir. Moi, je crois que je suis coincé dans ma chaise. Dans tous les cas, merci encore, merci encore. Et nous allons rester ici, dans cette salle, dans ce pavillon, jusqu'à la fin des réunions de la COP. Vous pouvez vous joindre à nous quand vous le voulez. Merci à tous. [Musique]